Elle a « redressé » son siège et « attaché » sa ceinture à l’annonce des consignes en vue de l’atterrissage à Moroni, la capitale des Comores. « Il y avait des turbulences, mais personne ne réagissait. Je me suis dit que c’était normal », raconte Bahia Bakari, 25 ans. Après ça, « j’ai ressenti comme une décharge électrique et je me suis réveillée dans l’eau ».
La seule rescapée du crash du vol Yemenia 626, dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, a témoigné lundi 23 mai au procès de la compagnie aérienne pour homicides et blessures involontaires. L’Airbus A310 s’est abîmé en mer, faisant 152 victimes. Dont la mère de Bahia Bakari, avec qui l’adolescente alors âgée de 12 ans, avait pris l’avion à l’aéroport de Roissy pour se rendre à un mariage aux Comores. Après une escale à Marseille, les passagers avaient changé d’appareil au Yémen.
« Un vrai trou noir »
« Entre les turbulences et mon réveil dans l’eau, j’ai un trou noir… » explique-t-elle. Dans les vagues, elle a vu « trois débris » et agrippé le plus grand. « Je pensais que je pourrais monter dessus. Mais je n’ai pas pu, je me suis accrochée. » Elle se souvient aussi « de voix appelant à l’aide ». Mais n’a « vu personne ». Et a fini par « s’endormir. »
À son réveil « avec le jour », elle n’entend « plus rien ». Mais aperçoit la côte. « J’essayais de nager, mais la mer était agitée. C’était très compliqué parce que je ne voyais pas comment m’en sortir. Un avion est passé au-dessus de moi, mais j’étais pas sûre qu’il m’avait repérée. » C’est la pensée de sa « mère, très protectrice », qui la fait tenir. Avant d’être finalement secourue par un bateau, après une dizaine d’heures dans l’eau.
« Je m’étais convaincue que tout le monde était arrivé », poursuit celle qui souffrait de « fractures à la clavicule, au bassin et à un œil », ainsi que de brûlures. Une psychologue à l’hôpital lui a annoncé qu’elle était la « seule qu’on a retrouvée ». Rapidement rapatriée en France, elle est restée une vingtaine de jours à l’hôpital.
« C’était dur, mais on s’est adaptés »
« Gérer le deuil de ma mère a été très compliqué pour moi. J’étais très proche d’elle », ajoute-t-elle en larmes. Évoquant aussi les difficultés pour sa famille. « C’était dur, mais on s’est adaptés au fur et à mesure », dit sans s’étendre Bahia Bakari, qui travaille désormais dans l’immobilier. Elle a également souffert de « troubles du sommeil », fait de « nombreux cauchemars ». Mais assure aujourd’hui aller « beaucoup mieux ».
« Merci pour votre courage et votre sourire, dans cet exercice très difficile », l’encourage la présidente du tribunal, Sylvie Daunis, avant de lui poser des questions. Accompagnée psychologiquement à l’hôpital, la jeune femme n’a pas été suivie depuis, se confiant à son père. Elle évoque aussi la « communauté comorienne, très solidaire ».
« Plein d’émotions à la fois »
Depuis l’ouverture du procès, « il y a plein d’émotions à la fois. C’est un vrai soulagement, mais c’est très compliqué parce que ça fait remonter des souvenirs ». Les expertises ont conclu que l’accident était dû à une série d’erreurs de pilotage, écartant l’hypothèse d’un missile, d’une défaillance technique de l’avion et de la foudre.
À l’audience, le banc des prévenus est toujours vide : aucun représentant de la compagnie n’est présent à cause de la guerre qui fait rage au Yémen, selon la défense. Interrogée sur cette absence par un avocat des familles, Bahia Bakari la regrette : « J’aurais aimé qu’ils nous écoutent » et « avoir des excuses ».
from France - Dernières infos - Google Actualités https://ift.tt/MDrGIbz
via IFTTT
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire