
Un avion est immobilisé depuis jeudi 21 décembre à l'aéroport de Paris-Vatry (Marne), à 150 km de la capitale, en raison d'un signalement anonyme faisant état d'un possible "trafic d'êtres humains", selon le parquet de Paris. L'appareil, qui ne faisait qu'une simple escale technique entre Dubaï et Managua, est retenu sur le tarmac à la demande des autorités.
A son bord se trouvaient 303 passagers de nationalité indienne, dont des mineurs non accompagnés. Deux personnes ont été placées en garde à vue, et une enquête a été ouverte par le parquet de Paris. Franceinfo résume ce que l'on sait de l'affaire.
Des soupçons de "traite d'êtres humains"
L'Airbus A340 de la compagnie roumaine Legend Airlines devait effectuer un trajet entre Fujaïrah près de Dubaï (Emirats arabes unis), et à destination "peut-être intermédiaire" du Nicaragua, a relayé le parquet. A son bord, 303 passagers de nationalité indienne, et un équipage roumain. L'appareil a atterri jeudi vers 15 heures à l'aéroport de Paris-Vatry pour une halte de ravitaillement.
C'est à ce moment-là qu'il a été immobilisé, après que les autorités ont reçu un "renseignement anonyme" pouvant provenir d'une ONG. "Des vérifications d'identité ont été effectuées sur les 303 passagers et sur les personnels navigants", sur fond de soupçons de "traite d'être humains", a déclaré le parquet de Paris à France Télévisions.
Des mineurs non accompagnés parmi les passagers
Dans un premier temps, les passagers sont restés dans l'appareil, où ils ont pu se restaurer, selon la préfecture de la Marne. Ils ont ensuite été conduits dans le hall d'accueil de l'aéroport, transformé en zone d'attente pour étrangers par arrêté préfectoral. Ils y ont été pris en charge par une trentaine de bénévoles de la protection civile. "On a apporté des plateaux-repas, de quoi supporter l'attente, de l'eau, du café, du thé. Il y a beaucoup de végétariens. Il y a aussi de nombreux enfants, il a fallu apporter des couches, du lait", a détaillé Patrick Jaloux, président de la protection civile de la Marne, à France 3 Grand Est. Des lits ont également été installés sur place, et des bâches dressées devant les baies vitrées du hall d'accueil.
Onze mineurs non accompagnés figurent parmi les 303 passagers indiens du vol immobilisé, a fait savoir le parquet, ajoutant qu'ils se sont vus désigner des administrateurs "ad hoc". La protection civile précise que l'âge de ces mineurs va "d'un bébé de 21 mois à un adolescent de 17 ans".
Plusieurs autorités ont été saisies pour auditionner et vérifier les conditions et objectifs de transports des passagers, a expliqué le parquet à l'AFP. Il s'agit de la direction nationale de la police aux frontières, dont l'OLTIM (Office de lutte contre le trafic illicite de migrants), la brigade de gendarmerie des transports aériens (BGTA), ainsi que la brigade de recherche de Vitry-le-François (Marne).
La compagnie aérienne nie toute responsabilité
La compagnie roumaine Legend Airlines, propriétaire de l'avion, nie toute responsabilité. "La compagnie estime qu'elle n'a rien à se reprocher, n'a commis aucune infraction et se tient à disposition des autorités françaises", a assuré Liliana Bakayoko, avocate de la compagnie, à l'AFP. L'entreprise compte "se porter partie civile si des poursuites sont initiées par le ministère public, ou porter plainte" dans le cas contraire, a-t-elle ajouté.
"Tous les membres de l'équipage ont été auditionnés et autorisés à repartir librement, et à rentrer chez eux s'ils le souhaitent", a-t-elle précisé à l'AFP samedi matin. "La compagnie coopère avec les autorités françaises dans toute la mesure du possible", a-t-elle affirmé à France Télévisions.
Selon la plateforme Flight Radar, qui enregistre le trafic aérien, l'avion immobilisé effectue régulièrement des trajets entre les Emirats Arabes Unis et l'Amérique centrale. Depuis fin juin, il a assuré cinq liaisons entre Fujaïrah et Managua, et deux entre Fujaïrah et San Salvador (Salvador), avec escale par l'aéroport de Paris-Vatry. D'après l'AFP, l'avion est totalement blanc, sans le nom d'aucune compagnie.
Une enquête ouverte
Les passagers indiens sont susceptibles d'être victimes de "traite des êtres humains en bande organisée", un crime passible de 20 ans de réclusion criminelle et 3 millions d'euros d'amende, rappelle le parquet de Paris. Selon une source proche du dossier interrogée par France Télévisions, deux passagers disposant de nombreux passeports et d'argent liquide ont été placés en garde à vue. Elles ont été prolongées samedi soir "pour une durée maximale de 48 heures", a déclaré le parquet. Le but : "vérifier si leur rôle a pu être différent de celui des autres dans ce transport", a-t-il expliqué.
L'enquête judiciaire sur les conditions et objectifs de transport des passagers a été confiée à la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée, "au regard du nombre de personnes concernées et du caractère international des potentielles investigations à mener", a précisé le parquet de Paris, auquel l'entité est rattachée. Elle vise à "vérifier si des éléments viendraient corroborer" les soupçons de traite d'être humains.
Des audiences devant un juge des libertés et de la détention débuteront dimanche pour maintenir "si nécessaire" dans la zone d'attente de l'aéroport les passagers du vol, a déclaré la préfecture de la Marne à l'AFP samedi dans la soirée. Les audiences devraient débuter à 9 heures et se poursuivre jusqu'à lundi, a affirmé le bâtonnier de Reims, Me Pascal Guillaume.
L'hypothèse d'une route migratoire vers les Etats-Unis
"C'est la première fois, à ma connaissance, qu'un avion entier avec tous ces passagers est immobilisé pour manifestement des suspicions des êtres humains", constate Emmanuel Daoud, avocat pénaliste spécialiste du droit international, auprès de France 2. L'hypothèse d'une nouvelle route migratoire, mise en place par des réseaux mafieux, pourrait expliquer l'immobilisation de cet avion à Vatry.
Ce phénomène migratoire a un nom : le "donkeying". "Les Indiens sont de plus en plus nombreux à rejoindre les Etats-Unis illégalement par l'Amérique du Sud. C'est même le 4ᵉ contingent de migrants illégaux vers les Etats-Unis, par l'Amérique centrale précisément", explique Angélique Forget, correspondante de France Télévisions en Inde. Le 'donkeying', c'est "parce qu’ils font les mules ["donkey", en anglais]. Ils avancent lentement, mais vont au bout", précise-t-elle.
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